Pourquoi tant d'inimitié

  • Mis en ligne le 11 avril 2012

Pourquoi cet article

Beaucoup de gens m'ont demandé pourquoi je m'étais fait « sortir » de Gitoyen. Sur cette question à laquelle beaucoup on fait les meilleurs efforts pour ne pas répondre, en préférant rabacher le sempiternel « conflit de personnes », il est intéressant de se pencher.

Je suis certain que dans d'autres structures le lecteur retrouvera des schémas semblables. Comme dans d'autres structures associatives j'ai déjà trouvé la « présirection » par exemple, l'immobilisme, la vanité, l'intérêt personnel sont des composantes de la vie des groupes et de leurs errements, partout. Ce témoignage aidera peut-être d'autres structures à analyser leur situation.

Contexte

M'étant occupé de la structure depuis ses débuts en 2001, et à tous les postes (même celui d'administrateur à la place de BB pour FDN), j'ai été pendant une longue période creuse de Gitoyen (après le départ de Stéphane Bortzmeyer et celui de Frédéric Cella) le seul à tenir l'opérateur en ordre de marche. Et ensuite, une pièce très présente, active. Jusqu'à me faire virer.

Qu'est-ce qui m'a valu cette inimitié parait-il unanyme, pour que lors de la refondation de Gitoyen je sois mis à l'écart ? Je ne le sais pas, puisque personne n'est jamais venu me dire précisément sa pensée sur le sujet, ses griefs à mon encontre. Mais indirectement; une idée revient sans cesse : « personne n'arrive à travailler avec lui ». Finalement c'est assez peu étonnant, puisque l'essentiel du travail que j'avais fait pour Gitoyen et autour de Gitoyen, c'est sans eux qu'il a fallu le faire.

Mais il faut creuser davantage pour dégager ce qui pourraient être des vraies raisons, et ne pas se laisser mystifier par ce prétexte bidon. Je vois trois catégories de raisons, et trois catégories de personnes.

Les fondateurs qui s'accrochent

Gitoyen a été fondé en 2001 par ce qu'on appelle des « dinosaures » du Net, fiers de leur idée et suivis par les structures qu'ils dirigeaient. En 2012 cette bande de quadra a un peu disparu du paysage, et son dernier coup d'éclat avait été il y a onze ans, cet opérateur alternatif accompagné de grands mots et de belles promesses. On le sait ces promesses n'ont pas été tenues et en 2011 le dixième anniversaire était l'occasion d'un bilan déplorable, puisque tout ce qui avait été construit pendant ces années avait été systématiquement déconstruit ou rejeté. Parmi les dinosaures fondateurs, certains étaient partis, découragés par l'immobilisme de Gitoyen, beaucoup s'étaient dispensés d'un investissement durable et sérieux sur leur propre projet, et un est revenu, de temps en temps, mais toujours pour détruire tout ce qui avait été construit et revenir, systématiquement, au service minimum.

En 2010 donc, après l'expulsion de Gixe et le sabordage du Pouix, Gitoyen n'avait aucun résultat à présenter sur 10 ans. Or si les autres membres de Gitoyen semblaient s'en contenter, en tant que charnière avec FDN dont j'étais trésorier j'ai fait, moi, explicitement, ce bilan : par ailleurs, le monde avait évolué et les besoins de FDN aussi ; Gitoyen était devenu un boulet.

Il est clair que ses fondateurs dinosaures un peu « has-been » ne pouvaient pas recevoir ce bilan comme un satisfecit et qu'il pouvaient le percevoir comme une critique. A chacun revient d'assumer ses responsabilités et de faire son propre bilan. Mon tort aura sans doute été de ne pas les brosser dans le sens du poil, mais mes critiques ont aussi, j'en suis convaincu, suscité le renouveau que nous observons actuellement.

Avec ces dinosaures, je n'ai jamais eu l'occasion de travailler puisqu'ils n'ont brillé que par leur absence ou leur immobilisme. Je donc à peu près certain qu'ils n'ont rien d'autre à me reprocher, que d'avoir fait le bilan de l'échec de leur projet, et même d'avoir proposé en 2011 à FDN de saborder l'épave Gitoyen à défaut de pouvoir la rendre utile.

La seconde vague

La seconde vague est celle de ces participants qui autour de 2007 et 2008, sont venus remettre un coup de collier dans Gitoyen. Sur ce mouvement je voudrais mettre les choses au clair : ce n'est pas un mouvement bénévole. Faire abstraction de l'intérêt personnel des participants de cette vague serait faire une erreur de lecture sur sa finalité. Les trois personnes les plus impliquées étaient le dirigeant d'une société en plein démarrage, fondée derrière l'un des membres de Gitoyen et qui en dépendait fortement d'une part ; le responsable technique d'un autre membre (société commerciale) d'autre part ; et un membre de la famille de ce dernier enfin, qui avait besoin à cette époque d'un stage de fin d'études d'ingénieur. Ces trois personnes étaient dans une optique professionnelle (et pour les deux premiers dans le cadre d'une activité commerciale), et se sont investis, à ce moment-là, dans Gitoyen, pour répondre à leurs besoins propres. Notez bien, ce n'était pas explicite, mais ne s'en cachaient pas, non plus. Et il n'y a pas là quelque chose de « mal » en soi. A chacun ses motivations.

Je souligne pour étayer mon propos que, en 2009, aucune de ces trois personnes n'était restée personnellement impliquée dans Gitoyen : ni le premier dont la société était devenue indépendante et prioritaire, ni le second qui avait quitté son poste, ni le troisième qui avait fini son stage.

Cette vague a été l'occasion de mettre en place un nouveau système pour le routage de Gitoyen, basé sur une variante minimaliste de FreeBSD, nommée nanobsd. Avant cette prétendue révolution technologique j'étais le seul ingénieur expérimenté à maitriser l'infrastructure ce qui m'a été beaucoup reproché (je ne partageais pas assez l'information, j'avais la main sur tout y compris sur Gixe, tout ça représentait des risques de conflits d'intérêts…). Déboulant soudain pour remplacer les systèmes en place par un système expérimental, ces trois personnes ont vu d'un très mauvais oeil ma résistance devant des changements qui d'une part n'étaient pas justifiés (les tests faits ne mettaient pas en évidence une supériorité de FreeBSD pour la tenue des routeurs par rapport à Linux), mais surtout n'étaient pas maitrisés comme l'ont démontré les très nombreuses erreurs et lenteurs induites par le nouveau système. Beaucoup de promesses n'ont pas été tenues : la stabilité, la sécurité, le gain de performances (le véritable gain a été obtenu en remplaçant des Pentium IV à 2,4 GHz et des Athlon X2 par des Xeon Quad core).

Mandaté pour représenter les intérêts de FDN et appuyé par BB. (président, administrateur officiel) j'ai défendu bec et ongles la stabilité de Gitoyen et la maitrise de son infrastructure devant ce que je percevais comme des évolutions motivées non pas par l'intérêt de Gitoyen et de ses membres en général, mais par la volonté de deux entités commerciales (ou besoins personnels) de reprendre la main sur Gitoyen.

Ces trois personnes-là me reprocheront certainement d'avoir été un frein dans ces évolutions, et je l'assume. Ce sont pourtant elles qui ont placé leur intérêt au premier plan et ont imposé leur solution. Pour ma part j'ai collaboré à la mise en place malgré mes réticences, et en particulier j'ai contribué à l'élaboration des scripts qui permettaient de gérer les configurations de ces nouveaux systèmes.

Lorsque ces trois personnes se sont désengagées de Gitoyen elles ont laissé un système mal documenté et très difficile à maintenir, et donc un Gitoyen bien plus vulnérable. C'est à dire très précisément ce que je redoutais puisque je me doutais que de par leurs motivations, leur investissement ne serait que temporaire.

Je ne reprocherai à personne de défendre ses propres intérêts : c'est ce que fait chacun des membres, c'est ce qu'a fait FDN. Et même en l'assumant, on a vu un membre expliquer plus tard que tel choix était 100% commercial et que c'était assumé : « les copains c'est une achose, le business c'en est une autre ». Je peux très bien l'entendre. Il est donc normal que des points de vue antagonistes s'opposent, mais il le faut pas le décrire comme une difficulté à « travailler ensemble » ni comme un conflit de personnes.

La défense de FDN

Mon rôle dans Gitoyen vis-à-vis de FDN était de représenter l'association en tant que membre du GIE. Dans cette structure nous avions la chance de disposer d'une voix équivalente aux autres, et d'un accord général sur la nécessité que tous les membres soient d'accord pour que des décisions puissent être prises.

Etant très investi dans Gitoyen j'étais sans doute plus alerte et conscient que d'autres représentants associatifs parfois longuement absents, des enjeux et du fonctionnement de l'opérateur. Soucieux de préserver les intérêts de FDN à court comme à long terme, j'ai été en situation de bloquer, dans Gitoyen, et parfois contre l'avis de tous, des décisions que je qualifierai de stupides. Que ce soit le projet des uns de migrer le réseau de Gitoyen en 10G (chose qui aurait rendu FDN complètement dépendante), l'obstination à payer 6000 €HT par an un port Gigabit sur le point d'échange Sfinx (alors qu'on en utilisait 2 ou 3%) quand un port Fast était à la fois très suffisant et gratuit, le recrutement d'un stagiaire rémunéré (contraire aux principes de FDN) par exemple. Ces oppositions de FDN, incarnées par ma personne, ont probablement contribué à me faire percevoir comme une personne avec qui il était difficile de travailler.

En réalité une bonne analyse de cette situation est que dans Gitoyen des points de vue commerciaux ou un peu trop « égoïstes » de personnes qui en avaient les moyens s'opposaient naturellement à une association et à ses principes qui entendait ne pas se laisser imposer des décisions dangereuses dans une structure commune et dans laquelle elle aurait été tenue solidaire des dettes. L'influence de FDN dans le GIE était un élément stabilisant tout à fait essentiel, perçu hier comme une entrave (à des projets coûteux et inutiles), dont l'association Gitoyen a réussi à se débarasser aujourd'hui.

C'est une évolution majeure et dramatique pour FDN dont le bureau (et son dinosaure de président) n'a pas compris à quel point cette perte de contrôle était dommageable, et en se laissant leurrer sur le fait que la difficulté était de l'ordre du conflit personnel.

Nouvelle équipe

Le plus gros reproche que je puisse faire à la nouvelle équipe est d'avoir fait l'économie d'un regard critique quand à l'histoire de Gitoyen et à l'influence très néfaste de certaines personnes qui ont été reprises. Facilité par l'arrogance de nouvelles personnes dont l'égo, flatté par une belle promotion de façade, a gommé tout esprit critique et d'analyse.

Cette erreur en explique beaucoup d'autres : mauvaises analyses donc mauvaises réponses. Mon exclusion bien sur a causé des réactions assez vives de ma part et quelques explications de texte, mal comprises (faute de background) et mal perçues par certains des nouveaux participants. Mais cette exclusion était nécessaire à éviter que soient posées les questions de fond.

Dans une équipe très fermée (liste cachée, sans archives) la sauce a donc facilement pris, et j'ai fait office de bouc émissaire. Je ne m'en plains pas vraiment puisque, aussi insultant que cela puisse être, je n'aurai pas davantage fait l'erreur de leur confier mon estime personnelle que la gestion de l'opérateur dont ils ont décidé de se rendre maitres. Inutile de dire que je crie au complot : je ne pense même pas avoir été une cible, j'ai en fait surtout été celui qui en savait trop et qu'il valait mieux ne pas avoir dans les pattes, c'est très différent. Car je ne suis pas la victime : ce sont FDN et Globenet qui pourraient à terme, devoir payer les pots cassés.

Les nouvelles forces vives, aussi fraiches que dénuées de préjugés, disposées à écouter et à apprendre sont sans doute la véritable force du nouveau Gitoyen. Je souhaite leur réussite et de parvenir à prendre la main, sans se laisser influencer par ceux qui ont maintenu Gitoyen dans l'inaction depuis sa création. Avec un esprit critique indépendant, une volonté associative bénévole affirmée et un peu de jugeotte, je suis certain qu'ils parviendront rapidement à faire la part des choses et à tisser autour de Gitoyen des liens plus constructifs.