mise en ligne dimanche 16 décembre 2012
Le blog de FDN malgré son faible volume en 2012 souffre d'une dérive vers le buzz, au détriment de la pertinence. Le temps est-il venu de remettre, comme il y a quelques années, un taquet démocratique et statutaire au bureau, et de repenser ce media pour en faire un instrument plus conforme à la réflexion des adhérents ?
L'utilisation du blog a déjà posé question au sein du bureau de FDN il y a quelques années. A l'originie créé et utilisé par le président pour exprimer ses idées sans avoir pris le soin de les soumettre à l'approbation ni du bureau, ni de l'assemblée (et c'est visiblement toujours le cas), il a été défini ensuite que «tout le monde» pouvait écrire dans le blog de FDN, dès lors que ces idées étaient compatibles avec les objectifs de l'association. Le bureau s'en porterait garant. Un recadrage parmi quelques autres en des temps qui faisaient suite à une période dérive de la gouvernance de FDN, et alors que la présidence de FDN reprenait tout juste le chemin d'un fonctionnement conforme aux statuts (en 2009 le bureau élu reprenait la main sur une gestion un peu trop «présidentielle» de l'association et instaurait des réunions régulières).
Après une période de publication intense entre 2010, la cadence sur le blog a ralenti en 2011 et 2012, la vaste majorité des contributions était faites par le président qui a été peu disponible. Beaucoup plus ennuyeux, certaines contributions enflammées de 2012 on terni le site qui présente l'idéologie de FDN, par des articles ô combien véhéments voire virulents, mais qui manquaient sérieusement de contenu sérieux, pour ne pas dire : valide.
De tels articles posent la question du bon usage du blog de FDN. Est-ce une tribune depuis laquelle on peut asséner n'importe quelle diatribe enflammée et sensationnaliste comme si on écrivait dans Numérama, en dépit du bon sens et d'une quelconque représentativité ?
Deux titres en particulier m'ont poussé à remettre sur le tapis cette réflexion.
C'est sous ce titre étonnant que le blog de FDN s'est enrichi (pour ne pas dire «appauvri») d'un nouvel article en août 2012. Présenté d'entrée de jeu comme une réflexion «raisonnable», qui amènerait tout un chacun à la même conclusion que cette accroche tapageuse («tapageur» étant un mot employé par l'auteur lui-même). Il annonce un véritable scandale : l'organisme chargé de gérer les ressources internet pour toute la zone Europe et moyen-Orient serait « contre » IPv6. Bien entendu ce sont des foutaises, et c'est là que réside le scandale.
L'aspect sensationnel de cette annonce repose sur plusieurs mécanismes. Premièrement on est en plein virage technologique et en pleine actualité de la migration vers IPv6. Comme la plupart des opérateurs ont attendu le dernier moment pour mettre IPv6 en place, on amorce en 2012 la dernière ligne droite et on sent la confusion qui règne autrement dit, le sujet est déjà sulfureux rien que quand on évoque IPv6. Deuxièmement, au moment où sort l'article, les ressources IPv4 seront bientôt épuisées et on sait que les conditions d'obtention de ces ressources vont considérablement se durcir. Donc la tension est là aussi, palpable. Troisièmement le public habituel de FDN et de ce blog, ce sont des internautes avertis et en particulier des bénévoles investis dans le montage de FAI alternatifs, qui ont précisément en ce moment des besoins de ressources IP (v4 et v6) et sont donc particulièrement sensibles à ce sujet. Ça sent l'essence. Quatrièmement sur la forme le verbe « souhaite » indique une tentative, une volonté, mais pas quelque chose de tout à fait franc : on perçoit une sorte de manigance, voire de traîtrise : on aurait pu dire « Le Ripe lutte contre … », ou bien « Le Ripe s'oppose … » s'il s'était agi de dépendre une volonté claire et franche. Mais là l'auteur introduit quelque chose d'insidieux, qui met le Ripe en position de pervers puissant et manipulateur. Une odeur de roussi.
Enfin et surtout, dans le message qui apparaît dans ce titre il y a une véritable monstruosité : le Ripe serait opposé à cette évolution essentielle, nécessaire, indispensable et qui en réalité n'est pas un choix mais une pure nécessité, que de mettre en place IPv6 ? Pire qu'une trahison de cet organisme (à but non lucratif) ce serait pour ainsi dire du terrorisme. Vraiment là, il y a quelqu'un qui joue à lancer des briques dans un champ de mines.
Bien évidement, cette accusation contre le Ripe est un gros flan. S'il y a un acteur Européen qui s'est démené depuis 10 ans pour encourager la mise en place d'IPv6 par les opérateurs, c'est bien le Ripe. Et comme cela est démontré dans les très nombreux commentaires (auxquels votre serviteur a du déployer des trésors de patience pour expliquer la réalité des choses à un autre contributeur), l'argumentation de l'auteur du billet repose sur une très mauvaise compréhension de ce que fait le Ripe et de comment il fonctionne, mais aussi des politiques d'allocation et d'assignation des ressources IP, de leurs usages et aussi des enjeux qui sont lié à la gestion de ces ressources. Bref, sur une méconnaissance crasse du sujet, qui n'est pas étonnante puisqu'il ne justifie de strictement aucune expérience dans le domaine malgré les apparences affichées (par exemple dans le cadre de FDN pour faire prendre à celle-ci des décisions stupides, comme de rendre l'association 100% dépendant d'un opérateur tiers).
Hélas une certaine prétention à faire autorité dans tous les domaines, en dépit d'une méconnaissance du contexte et des enjeux, contrariée par une autorité qui dit « non, tu ne feras pas n'importe quoi avec les ressources internet », ça peut vexer. Et dans ce billet de blog, on voit bien plus le spectable navrant d'un auteur qui prend soudain conscience d'une réalité technique pré-existante mais qui lui échappait, et qui s'esbaudit dans la seule solution qu'il ait sous la main : la colère, le caprice, et même la vengeance. Alors on prend le Ripe, on dit qu'il est méchant pas beau, on le charge de tous les mots. Disons, comme réaction, c'est humain mais un peu puéril.
Tout de même se dispenser de prendre un peu de recul, de consulter des gens qui savent, et produire en qualité de président de l'association et devant un très large auditoire (parfois d'ailleurs un peu crédule, et rarement mieux informé), en prétendant que celui qui dit « non » est forcément un vilain terroriste, avec en plus de mauvaises intentions pas jolies-jolies derrière la tête… C'est un peu gros comme caca nerveux. En tous cas c'est ce que j'appelle un plantage public tout à fait réussi.
Mais aussi dommageable, car ce plantage a des effets lamentables. En premier lieu parce que l'auteur jouit (et abuse, ici) d'une renommée et d'une visibilité grandissantes, et parce que bien peu de monde s'ennuie à lire les contre-avis dans des commentaires écrits tout petits, l'information qui aura été largement diffusée, au nom de FDN, au final, c'est l'énormité qui est dans le titre. C'est donc bien le message le plus idiot qui est et qui sera le plus lu. Et en second lieu parce que au-delà de l'auteur, FDN se ridiculise devant toute la profession en étalant ainsi son ignorance et sa prétention. Alors que plus que jamais les opérateurs doivent échanger avec les politiques pour préparer les nombreuses évolutions de ces prochaines années, ce genre de diatribe fanfaronnante et boiteuse disqualifie et porte préjudice à la voix de FDN et de ses partenaires habituels.
Il s'agit donc d'une véritable pollution qui comme un déchet radioactif va continuer pendant des mois, des années, à répandre de la désinformation et à ternir la crédibilité de FDN.
Passons à l'autre exemple.
Paru le moins suivant, cet article est un nouveau coup de sang vaniteux et déplacé. Il s'agit cette fois d'un déluge d'insultes publiques faites à l'égard des ministres du moment. Et pourtant (comme pour le précédent) les premières lignes du billet viennent rassurer le lecteur sur le fait que son auteur a mûrement réfléchi avant de s'exprimer : il est parait-il posté « à froid », volontairement. C'est donc un gage de sérieux.
Il n'empêche que tout autour des quelques informations certes utiles et intéressantes bien que non inédites, l'insulte à l'intelligence des responsables politiques (qui je le rappelle, à cette date viennent tout juste de rentrer en fonction et se saisissent à peine des dossiers) est omniprésente. Florilège :
Crôa, crôa.
Les ministres, bons à rien, au trou, on ne va même pas prendre le temps de discuter avec eux ni d'attendre leurs propositions en novembre. Seulement voilà, fin novembre c'est plutôt pas du tout ce vers quoi on tend, et même ce brave Guillaume Champeau claironnait, en juillet, sur Numérama «C'est officiel: Matignon associe Hadopi, CSA et Arcep pour réguler le net !» commençait à ravaler sa superbe en titrait « Pas de fusion immédiate entre CSA et Arcep, mais un premier pas ».
OK, Numérama c'est Numérama, on sait à quoi s'en tenir. Mais le blog de FDN, est-ce que c'est Numérama aussi maintenant ? De quoi a-t-on l'air. Va-t-on invoquer le droit à l'oubli, ou dire que d'autres ont été plus ridicules que FDN parce que eux, ils annonçaient la fin du monde ?
Ailleurs dans la presse on commence à réaliser que le buzz est allé un peu loin, et que peut-être il aurait été plus prudent d'attendre que les ministres rendent ce fameux rapport que leur a demandé Ayrault, au lieu de les lapider d'avance en jouant les diseurs de bonne aventure.
http://www.pcinpact.com/news/75644-le-gouvernement-sur-point-decarter-fusion-csa-arcep.htm
http://owni.fr/2012/11/22/csa-arcep-la-fusion-dans-le-frigo/
http://www.liberation.fr/medias/2012/12/11/fleur-pellerin-pas-de-fusion-csa-arcep_866891
Et caetera.
Visiblement le gouvernement a repéré que le problème était complexe et ne se précipite pas comme un chien dans un jeu de quille sur la pire, la troisième, la catastrophique solution. Et la presse qui comme un seul homme s'était jetée dans le panneau de l'amalgame entre rapprochement et fusion, fait péniblement machine en travers avec de nouveaux titres toujours aussi gros mais en jouant sur le flou, le glissement, exactement comme le fait un politique (c'est pratique). Mais ce n'est pas tant la réalité de ce que fait ou ne fait pas le gouvernement qui est intéressante, c'est à quel point FDN joue, en tant que personne morale, à se prendre pour Madame Irma pour extrapoler ce qui va se passer, et en tirer des jugements prématurés sur les gens.
Comment le blog de FDN qui affiche en grand, énorme, des jugements de valeur définitifs et insultants, fera-t-il pour changer d'avis ? Comment FDN va-t-il pouvoir discuter et proposer ses points de vue à ces gens-là demain, et se présenter comme un interlocuteur civilisé ? Or cette fois ce n'est pas comme dans l'article sur le Ripe et IPv6, par ignorance et suffisance que l'auteur s'est planté (et a planté FDN) c'est par goût de la provocation. Encore cette tendance à jouer avec les briquets semble-t-il.
Mais si bien des organes de pseudo-presse on depuis longtemps renoncé au sérieux, à la vérification de l'information, à l'honnêteté journalistique, et rebondissent désormais de scoop en scandale sans trop se poser la question d'une ligne ou d'une responsabilité éditoriale, FDN n'a pas de telles propriétés.
Du fait de ses comunicants FDN est un fournisseur de services associatif qui tente (bien au-delà de ce que ses objectifs statutaires prévoient) de se faire une place et une visibilité dans la sphère publique, avec des messages basés sur des convictions que dis-je, des certitudes techniques. Elle a le poids et l'inertie de l'expertise, qui lui interdit de changer d'avis comme de chemise. Légitime sur le terrain technique, elle prend de gros risques en s'aventurant en dehors de son domaine avéré de compétence, sur le terrain politique. Et soudain, la vigie annonce un iceberg.
Il y a différentes manière de comprendre cette expression incontrôlée. La désinformation additionnés à la suffisance et à la volonté d'être présent, d'afficher un prétendu savoir. Le besoin médiatique d'occuper le terrain et de ne pas laisser le blog trop longtemps en pause (qui se ressent aussi avec le compte twitter, modernité oblige, mais où l'on retrouve sous le logo de FDN du présidentiel, du personnel, et du n'importe quoi). La prétendue nécessité d'alerter quand aux dangers qui nous guettent, aux dérives, aux entorses faites aux libertés. Ou bien carrément la volonté de faire passer un message de véritable propagande (qui à tordre le coup à la réalité, et à manipuler le lecteur). Quelque part dans toutes ces logiques, il y en a qui sont compréhensibles, voire même honnêtes. Mais certaines sont moins compatibles avec une gouvernance associative propre, et le respect d'un fonctionnement démocratique associatif.
Alors que de nouveaux auteurs de billets ont pris la plume et commencent à produire des contenus dignes de foi, peut-être d'autres devraient-ils songer à représenter un peu plus l'association et moins leurs idées personnelles, et dans tous les cas être un peu plus attentif aux avis de ses adhérents avant d'afficher des positions plus ou moins déconnantes au nom de FDN. Car personnellement j'apprécie encore moins la désinformation et le bourrage de mou quand ils viennent du bureau de FDN et de la fédération FDN que quand ils viennent de Guillaume Champeau.
Bref il serait peut-être temps d'avoir une communication externe et interne un peu moins incontrôlable. Gesticuler pour faire du sensationnel convient certainement à un Numérama financé par la pub. Mais s'agissant de FDN on peut réellement se poser la question de savoir si cela ne dessert pas nos buts, notre capacité à faire réfléchir les gens, notre aptitude à peser sérieusement dans les débats actuels.
En conclusion il serait dommage de ne pas prendre un peu de recul pour examiner le contexte. Et alors, comment ne pas remarquer que les questions connexes de bonne information et de transparence à l'intérieur de l'association ont déjà été de sérieux points faibles du bureau de FDN depuis 2011, au point de provoquer d'intenses discussions autour de l'assemblée générale de mars 2012, et que les progrès depuis ont été bien maigres.
Comment expliquer que des questions sur les réalisations de l'opérateur auquel nous sommes désormais pieds et poings liés, ne fasse l'objet d'aucune réponse alors que précisément l'opacité de ce sujet posait problème l'an dernier ?
Les dérapages publics sur le blog au nom de l'association viennent s'ajouter au faisceau de la dérive qui émaille la gouvernance du bureau depuis bientôt deux ans. Sciemment désinformée et manipulée en mars 2012, on peut espérer que l'assemblée finisse par renoncer à sa crédulité, et en vienne à demander des comptes, et du changement.